« Saturne » de Sarah Chiche

Sarah Chiche est à la fois écrivaine, psychologue clinicienne et psychanalyste. Ses livres gravitent autour de la place de la femme dans l’univers misogyne de la psychanalyse, de la question de la création littéraire et de la mélancolie, état sombre qu’elle a traversé de manière intense et dont elle témoigne dans « Saturne », un roman/témoignage livrant sans concession son histoire familiale (son père, la guerre d’Algérie) ainsi qu’une description rarement égalée des ravages de la dépression sur la personne qui en souffre.

J’aime tellement le bandeau attaché au livre (« C’est l’oeuvre d’une écrivaine puissante et sans peur, qui tutoie le sublime ») que je l’ai punaisé sur le mur de mon bureau et quand mon livre sera imprimé, je le collerai dessus, « pour faire genre ».

« Saturne » est pour moi l’un des meilleurs livres existant sur la dépression, d’abord par sa sincérité, ensuite parce qu’il est écrit absolument sublimement. Mais attention, c’est le sublime de la douleur, une écriture coup de poing, ciselée, allant droit au but. On ressort de là sonnés par une rafale d’uppercuts, vaincus, le ventre tordu. Pour public averti des vicissitudes de la vie uniquement.

« On sait ce qu’est la dévalorisation. Plus perçante est la haine de soi. Elle méduse. On se regarde comme les autres vous regardent, comme un être qui aurait tout pour être libre et heureux, et qui rencontre cette haine féroce de soi, dans laquelle toutes vos pensées se réfugient pour vous faire mourir de l’intérieur. »

On prétend que c’est en revivant, par le souvenir, toute la complexité de nos liens avec la personne disparue que l’on peut supporter de la perdre, accepter de s’en détacher, et, un jour, retrouver le goût de vivre, la joie d’aimer. C’est exact, la plupart du temps.
Mais ce que vivent les gens comme moi, c’est autre chose. Pour nous, le temps du deuil ne cesse jamais. Car nous ne souhaitons surtout pas qu’il cesse. Nous ne voulons pas de son évacuation forcée. Nous ne tenons pas à surmonter la perte. Nous n’aimons pas être consolés, séparés de la chose perdue. Nous vivons, en permanence, dans et avec nos morts, dans le sombre rayonnement de nos mondes engloutis ; et c’est cela qui nous rend heureux.

Personnellement, j’ai découvert Sarah Chiche lors d’une émission de « la grande librairie » et je l’ai trouvé si passionnante que j’ai filé acheter son livre. Ses autres ouvrages m’intéressent beaucoup également, en particulier « Les enténébrés » et, bien évidemment « Une histoire érotique de la psychanalyse » que j’aimerais lire sans trop tarder.

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